Charles Bouchiquet, la liberté de bien faire son métier
Être opticien indépendant a toujours été une exigence pour pratiquer votre métier ?
Oui toujours, par conviction et peut-être aussi par atavisme familial. Mes parents, aujourd’hui en retraite, étaient entrepreneurs, ils tenaient un commerce de meubles à Bergues, une affaire familiale fondée en 1910 qui a toujours été indépendante. Après mon école d’optique en 1996, j’ai fait MST Optométrie qui a complété ma formation pour aborder plus largement la santé visuelle, puis j’ai été engagé chez un opticien indépendant qui a conforté ma volonté de ne pas être sous la tutelle de telle ou telle enseigne qui, certes apporte des avantages, mais aussi des contraintes. Donc, après trois années passées chez cet opticien qui ont été formatrices et bénéfiques, j’ai décidé de me jeter à l’eau et de monter mon affaire.
Et vous vous êtes installé à Bergues, votre ville d’origine ?
Au départ, ce n’était pas une priorité, je cherchais un lieu dans une zone de chalandise qui ne soit pas fortement concurrentielle avec trop d’opticiens. Et finalement, Bergues correspondait à ce critère. Située entre Dunkerque et la frontière belge, Bergues est une petite ville agréable d’un peu moins de 5 000 habitants, avec un centre-ville animé. Mes parents ayant leur commerce d’ameublement réputé et connu, ça me donnait un petit avantage supplémentaire. J’ai donc créé mon magasin au 31 rue Nationale avant de déménager au numéro 13 en 2021. Nous étions à l’étroit dans le premier magasin, j’attendais l’opportunité pour trouver un espace adapté à mon développement. J’ai trouvé ce local, un bâtiment de l’après-guerre qui m’a permis de me déployer sur 250 M2.
Avec une belle façade industrielle et contemporaine à la fois...
C’est une idée de l’architecte aménageur qui a répondu à mon désir d’avoir un espace chic et décontracté, un lieu chaleureux qui ne soit pas guindé. Et puis cela devait s’inscrire dans le style de la ville. Contrairement à Dunkerque, le centre-ville de Bergues a su préserver son patrimoine authentique, en le modernisant mais sans le dénaturer.
Quand vous avez commencé, vous aviez une approche précise de ce que vous vouliez en termes d’offres produits par exemple ?
Oui et non. En réalité, c’est difficile de se projeter réellement, on fait des erreurs d’autant que pour une création pure, il faut construire sa clientèle. Alors, il faut savoir s’adapter, avancer d’un pas, reculer de deux. Sachant que je ne voulais pas être un opticien catégorisé « créateurs », « luxe » ou que sais-je encore, mon objectif a toujours été d’être un généraliste, ouvert à tous, parce que je pars du principe qu’il faut répondre aux attentes de toute personne qui rentre ici. La taille du magasin me permet de travailler en largeur et en profondeur d’une offre qui va du créateur à la haute couture, jusqu’aux marques plus accessibles… Je ne vous cache pas que depuis que nous avons refait le magasin, notre positionnement est monté en gamme, ce qui sert notre image de marque tout en se gardant bien d’être inaccessible ou hautain.
Vous avez un atelier dans lequel vous faites tous les montages ?
J’ai une équipe de six collaborateurs qui comme moi, aiment leur métier et entendent le pratiquer à toutes les étapes. Donc pas de télédétourage, nous assurons la taille et le montage des verres. J’ai aussi un atelier de lunetterie pour faire des lunettes sur mesure. Je fais encore partie de cette génération où à l’école d’optique, nous apprenions à façonner des lunettes. Fort de mon savoir-faire d’opticien artisan lunetier, je réalise des montures sur mesure en corne, en bois, etc. Ça reste confidentielle pour une clientèle particulière, parce que ça exige du temps, mais c’est pour moi, une respiration salutaire, et l’occasion de mettre en pratique une des compétences du métier d’opticien.
Justement, comment voyez-vous évoluer votre métier dans les années à venir ?
Une bonne question à laquelle il est difficile de répondre à face à des bouleversements technologiques qui
semblent s’enchaîner à la vitesse de la lumière. Je pense notamment à l’intelligence artificielle qui s’infiltre
partout, les verres connectés, les verres intelligents sont à portée de main, ils vont transformer la vision en
profondeur et d‘ici dix ans, il faut s’attendre à des révolutions dans ce domaine. Peut-être que le produit de 47 santé visuelle n’existera plus, remplacé par un objet intelligent qui s’adapte à la vie et à la vue du porteur avec
une multitude de fonctions supplémentaires et connexes. La question : est-ce que ce sera toujours un opticien qui les vendra ou des enseignes comme la Fnac ou Boulanger ?